• Le chant de l’eau

    L'entendez-vous, l'entendez-vous
    Le menu flot sur les cailloux ?
    Il passe et court et glisse
    Et doucement dédie aux branches,
    Qui sur son cours se penchent,
    Sa chanson lisse.

    Là-bas,
    Le petit bois de cornouillers
    Où l'on disait que Mélusine
    Jadis, sur un tapis de perles fines,
    Au clair de lune, en blancs souliers,
    Dansa ;
    Le petit bois de cornouillers
    Et tous ses hôtes familiers
    Et les putois et les fouines
    Et les souris et les mulots
    Ecoutent
    Loin des sentes et loin des routes
    Le bruit de l'eau.

    Aubes voilées,
    Vous étendez en vain,
    Dans les vallées,
    Vos tissus blêmes,
    La rivière,
    Sous vos duvets épais, dès le prime matin,
    Coule de pierre en pierre
    Et murmure quand même.
    Si quelquefois, pendant l'été,
    Elle tarit sa volupté
    D'être sonore et frémissante et fraîche,
    C'est que le dur juillet
    La hait
    Et l'accable et l'assèche.

    E. Verhaeren



  •  

    L’homme qui te ressemble

     

    J'ai frappé à ta porte

    J'ai frappé à ton coeur

    pour avoir bon lit

    pour avoir bon feu

    pourquoi me repousser ?

    Ouvre-moi mon frère !...

     

    Pourquoi me demander

    si je suis d'Afrique

    si je suis d'Amérique

    si je suis d'Asie

    si je suis d'Europe ?

    Ouvre-moi mon frère !...

     

    Pourquoi me demander

    la longueur de mon nez

    l'épaisseur de ma bouche

    la couleur de ma peau

    et le nom de mes dieux ?

    Ouvre-moi mon frère !...

     

    Je ne suis pas un noir

    je ne suis pas un rouge

    je ne suis pas un jaune

    je ne suis pas un blanc

    mais je ne suis qu'un homme

    Ouvre-moi mon frère !...

     

    Ouvre-moi ta porte

    ouvre-moi ton coeur

    car je suis un homme

    l'homme de tous les temps

    l'homme de tous les cieux

    l'homme qui te ressemble

     

    Réné Philombe

     


  •  

    Mon hiver

    Mon hiver est parfumé

    De cendres, de feux de cheminées.

    D’encens et de lavande,

    pour tous mes enrhumés...

     

    Mon hiver est beau

    De blanc et de glace

    De givre sur les arbres,

    De palais transparents.

     

    Mon hiver je l’entends

    Grincer dans les branches,

    Craquer sous mes pas

    Souffler dans les ruelles...

     

    Je colle mon nez à la vitre

    Mon hiver est buée

    A nouveau il m’invite,

    à me recroqueviller.

     

    Véronik Leray

     


  •  

     POUR LE 09 Janvier 2017

     

    En hiver la terre pleure
     

    En hiver la terre pleure ;
    Le soleil froid, pâle et doux,
    Vient tard, et part de bonne heure,
    Ennuyé du rendez-vous.

    Leurs idylles sont moroses.
    - Soleil ! aimons ! - Essayons.
    O terre, où donc sont tes roses ?
    - Astre, où donc sont tes rayons ?

    Il prend un prétexte, grêle,
    Vent, nuage noir ou blanc,
    Et dit : - C'est la nuit, ma belle ! -
    Et la fait en s'en allant ;

    Comme un amant qui retire
    Chaque jour son coeur du noeud,
    Et, ne sachant plus que dire,
    S'en va le plus tôt qu'il peut.

    Victor Hugo





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